# Staying the Course
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5.Tony-Joy

TONI JOY – NIGERIA

J’avais 13 ans lorsque j’ai sauté à l’avant d’un véhicule en marche pour me suicider, mais le chauffeur de taxi était trop habile pour passer par-dessus… À l’âge de 12 ans, j’ai perdu mon père, et cela a marqué le début d’une vie différente. Il était la pièce maîtresse de mon enfance, celui qui m’a appris ce que pouvait signifier l’amour inconditionnel. Je me suis retrouvée avec ma mère, qui devait s’occuper de quatre enfants. Une tâche qui n’était pas facile pour elle, elle avait aussi beaucoup à faire après la mort de mon père.

Je me souviens de ces mots : « … tu es un tel gâchis ! ». Je les ai entendus à maintes reprises pendant mon enfance, de la bouche de différentes personnes qui les prononçaient de différentes manières. Ces mots m’ont longtemps tourmentée et m’ont amenée à détester toute mon existence. Par frustration, j’ai quitté la maison à l’âge de 16 ans, sans être préparée aux réalités qui m’attendaient. Je suis partie pauvre et seule, luttant quotidiennement contre la dépression, le manque d’estime de soi et la faim.

En grandissant, ma colère contre le monde s’est accrue, je détestais tout et tout le monde. Malgré cette haine, lorsque j’ai été admis à l’université, de nombreuses personnes sont venues me demander conseil sur ce qu’elles devaient faire de leur vie. Cette expérience m’a surpris et a progressivement commencé à changer ma vie. J’ai découvert à quel point j’aimais être avec les gens et à quel point ma vie avait un sens pour les autres. Avec cette nouvelle acceptation des gens qui m’entourent, je me suis rapprochée de l’art, de la musique et de la poésie. Des talents que j’ai toujours eus, mais auxquels je n’ai jamais prêté attention. La musique, les gens, l’art ont rendu le changement possible : J’ai cessé de me sentir inutile et j’ai commencé à me sentir utile.

Lorsque j’ai terminé mes études universitaires, j’ai commencé à travailler pour une ONG. J’avais des rêves, beaucoup de projets et des idées révolutionnaires. Je me souviens d’avoir parlé à un de mes collègues plus âgés de lancer un mouvement où les jeunes iraient nettoyer les rues pour dire aux gens : « Nous ne sommes pas inutiles » : « nous ne sommes pas inutiles ». Sa réponse a fait mal : « Tu n’y arriveras pas, a-t-il dit, j’ai des amis qui l’ont fait et qui ont échoué ». J’étais tellement en colère. C’est ce qui a déclenché ma colère, la colère qui a poussé ma passion à l’action.

À l’âge de 23 ans, j’ai commencé mon voyage dans le développement social en organisant un exercice de nettoyage dans environ six États du Nigeria le 17 février 2015, et c’est à partir de là que j’ai découvert mon amour pour les déchets. J’ai réalisé que ma vie était similaire à la métaphore des déchets et j’ai eu une nouvelle chance de raconter mon histoire. La volonté de continuer à faire quelque chose m’a conduit à Imafon, une communauté rurale d’Akure, dans l’État d’Ondo, en 2016, où j’ai décidé de passer mon temps avec des personnes qui sont traitées comme des déchets comme je l’ai été, en leur donnant les compétences et les perspectives dont ils ont besoin pour faire des choses à partir de déchets.

Deux ans plus tard, en 2017, j’ai été sélectionnée comme l’une des participantes au programme de formation au leadership et au développement social de Kanthari. Au cours de ce programme de formation, j’ai acquis plus de connaissances, de compétences et de courage dont j’avais besoin pour créer un véritable changement social. Après le programme de formation, j’ai commencé à mettre en œuvre d’autres projets sociaux par l’intermédiaire de mon organisation Durian.

Aujourd’hui, grâce à mon organisation Durian, je veux voir plus de marginaux ruraux responsabilisés qui transforment leurs déchets et ressources locales en valeur. Je veux voir plus de communautés rurales autosuffisantes qui savent qu’elles ne sont pas inutiles. Je veux partager ma vie avec les ruraux pauvres et marginalisés parce que j’ai réalisé que je n’ai pas à avoir honte de mon histoire, j’ai réalisé que ce n’est pas une histoire de souffrance et de douleur. La mienne est une histoire d’espoir, de force et de passion.